Interview croisée Carole Delga - Jean-François Rezeau

Le niveau de commandes enregistrées lors du Salon du Bourget 2023 (150Md$) est une démonstration par l’exemple du formidable relais de croissance qu’est l’export. À quelques jours du lancement de l’Occitanie Export Tour organisé par la CCI Occitanie et la Team France Export Occitanie, Carole Delga, Présidente de la Région Occitanie, et Jean-François Rezeau, Président de la CCI Occitanie, croisent leur vision des enjeux de l’international pour les entreprises de notre territoire et des actions à mener pour encourager celles-ci à exporter.
 

On sait que le secteur de l’aéronautique est le socle central de l’export en Occitanie. D’autres secteurs pèsent dans la balance commerciale de notre région et enregistrent un fort développement à l’international. Comment conforter et accroître leur présence à l’international ?

Carole Delga : L’Occitanie fait partie des locomotives françaises en matière d’exportations. Notre Région représente plus de 7 % des exportations du pays. Avec un excédent commercial s’élevant à 7,3 milliards d’euros, l’Occitanie est la première région française en la matière ! L’aéronautique est bien sûr le fleuron régional de nos exportations mais il n’est pas le seul. En 2e place figurent les produits agricoles, sylvicoles, piscicoles et les produits des industries agroalimentaires. Valoriser nos entreprises et leurs savoir-faire au travers des marques régionales est aussi un formidable moyen d’accroître leur visibilité à l’international. Avec près de 2 000 adhérents et 12 000 produits référencés, « Sud de France » est un véritable outil de rayonnement pour nos TPE - PME des secteurs agricoles, agroalimentaires et viticoles, leur permettant de se développer sur le marché domestique mais aussi sur les marchés de l’export. L’ambition régionale est d’appuyer nos secteurs performants qui, au travers de grandes entreprises mais aussi de l’ensemble de la chaîne des sous-traitants, participent au dynamisme de l’Occitanie. Le contexte international incertain doit nous conduire à maintenir notre vigilance et à nous tenir aux côtés de nos grands groupes. Le nouveau Schéma Régional de Développement Économique d’Innovation et d’Internationalisation, adopté pour la période 2022-2028, s’engage en ce sens. La Région soutient ses entreprises au travers de salons et programmes participant à mettre en valeur leurs produits et à soutenir les exportateurs dans leurs démarches. De plus, depuis 2022, plus de 120 aides à l’export ont été accordées par la Région aux entreprises occitanes pour un montant de plus de 5,5 millions d’euros.

Jean-François Rezeau : On doit s’en féliciter, l’aéronautique est un moteur et la vitrine industrielle de notre économie régionale. Les produits de la construction aéronautique et spatiale représentent ainsi 56,5 % des exportations de notre région, loin devant les produits de la culture et l’élevage (7,1 %). Ce que nous devons faire, c’est faire grandir d’autres secteurs, l’international et l’export sont de bons leviers pour cela, afin qu’un meilleur équilibre puisse s’amorcer. Nous avons la chance d’avoir une agriculture et une industrie agroalimentaire ainsi qu’une viticulture toujours plus qualitative et compétitive, reconnues dans le monde entier. Nous pourrions aussi parler des secteurs de la santé et des dispositifs médicaux, des transports, des énergies vertes ou de l’économie de la mer qui se développent ; l’international est une option incontournable pour eux. Pour toutes ces filières comme pour bien d’autres, nous sommes convaincus que la réussite à l’international commence en local :  se préparer, travailler sa stratégie, choisir ses marchés, choisir sa distribution, être accompagné sur la réglementation, certaines techniques sur les financements, sont des thèmes d’amorce pour l’export que nos conseillers travaillent ici quotidiennement au plus près des dirigeants de nos PME. Illustration avec deux opérations majeures portées par la CCI Occitanie avec l’appui de la Région Occitanie : le programme Booster Export 2022 et l’Occitanie Export Tour, bien sûr. Ces deux événements itinérants -qui ont rassemblé 830 entreprises- illustrent la stratégie de proximité que nous mettons en œuvre et de retour vers les territoires. 

« Ce n’est pas parce que les choses sont difficiles que nous n’osons pas. C’est parce que nous n’osons pas qu’elles sont difficiles » disait Sénèque. Cela semble totalement adapté à la démarche export qui, si elle ne doit pas être prise à la légère, est cependant accessible au plus grand nombre. Comment lever les freins pour multiplier le nombre de primo exportateurs ?

CD : L’export est une véritable opportunité mais aussi un saut vers l’inconnu pour nos entreprises, notamment pour les plus petites d’entre elles. La première étape d’une démarche d’export est de prendre conscience de l’intérêt qu’elle représente. C’est en démontrant cet intérêt que nous allons encourager nos entrepreneurs à franchir le pas. Car oui, comme le disait Sénèque, nous devons oser ! L’export constitue un formidable levier de croissance en permettant d’accéder à de nouveaux marchés. Cette diversification participe aussi à la stabilité de nos entreprises en les rendant moins vulnérables face aux aléas d’un unique marché. Ensuite, notre rôle est d’accompagner ces entreprises car se lancer dans l’export, c’est un investissement financier bien sûr mais aussi un investissement en énergie avec de nombreuses démarches, parfois complexes, à réaliser. L’un des objectifs du nouveau Schéma Régional est de doubler le nombre annuel d’entreprises primo exportatrices. Les TPE – PME sont le socle de la réussite de cet objectif. Les accompagner, en leur proposant des solutions clés en main est un devoir. C’est le sens du parcours export proposé par la Région aux PME.

JFR : C’est tout à fait ça ! Les freins sont naturellement de différents ordres : psychologiques, techniques, réglementaires, économiques… Travailler à les lever passe par une parfaite compréhension de ceux-ci. Même s’il y a ce que l’on appelle les « Global Native », les entreprises qui exportent dès leur création, la règle générale demeure d’avoir stabilisé son marché domestique avant d’aller à l’international. Ne serait-ce que parce que l’export représente un investissement en moyens financiers et humains, en temps… On doit remarquer à cet égard la convergence d’objectif entre le Plan « Osez l’export ! » lancé fin août par le gouvernement, dont la Team France export est partie prenante et qui vise prioritairement l’entrainement de nouvelles entreprises vers l’export ; et le schéma régional qui lui aussi fait de l’accompagnement de nouvelles entreprises à l’international une priorité. Je terminerai en rappelant que faire réussir nos entreprises à l’international, c’est aussi leur dire que ce n’est pas un eldorado et qu’il faut savoir ce que l’on va y chercher pour avoir une chance de le trouver… « Il est aussi important de mesurer les risques afin de ne pas faire le mauvais choix que de mesurer les opportunités pour faire les bons » résumait ainsi un chef d’entreprise au retour d’un voyage d’études organisé par la CCI Occitanie en Californie.

Les TPE-PME constituent 95 % des entreprises d’Occitanie. L’objectif global d’avoir plus d’exportateurs et plus de volumes exportés se joue donc là. Comment les accompagner spécifiquement par rapport à leurs forces mais aussi leurs faiblesses (trésorerie, culture logistique et juridique…) ?

CD : Dans un contexte où la majeure partie de l’export est réalisée par quelques grandes entités, accompagner nos TPE-PME est un enjeu crucial. L’Occitanie Export Tour participe à cet accompagnement des primo exportateurs au même titre que l’ensemble des actions conduites tout au long de l’année dans la région. AD’OCC, l’agence de développement économique, appuyée par ses 5 antennes internationales est en première ligne. Les aides à l’export proposées par la Région (Pass Export, Contrat Export) sont aussi un appui important. Dans le cadre du précédent schéma (2016-2021), ce sont plus de 1 100 entreprises qui ont été accompagnées à hauteur de 50 M€. Au travers du Contrat Entreprise d’Avenir, la Région continue à soutenir le développement export des entreprises.

JFR : L’international, je le disais, ça se prépare « à domicile ». Accompagner tous les jours les TPE-PME dans leurs problématiques usuelles, c’est leur permettre de consacrer plus de temps à leur stratégie de développement. En 2022, nous avons accompagné près de 7 500 porteurs de projet ou entreprises. Parmi ceux-ci se trouvent bien sûr des candidats à l’export. Nous les accompagnons en mettant à leur disposition les compétences qu’ils n’ont pas en interne en termes réglementaires, douaniers, logistiques… Mais l’export, ce n’est pas exclusivement le grand-export : le marché européen offre un potentiel encore largement sous-exploité « à nos frontières » pour les PME. Cela peut être un premier pas pour certaines structures « en phase de test » sur l’international. Notre Réseau Entreprise Europe informe, conseille et accompagne les entreprises d’Occitanie sur la règlementation européenne, l’accès aux financements européens (dont Horizon Europe), la propriété́ industrielle, la recherche de partenaires commerciaux, technologiques et de R&D… La CCI Occitanie, est depuis de nombreuses années le leader, coordinateur régional de ce réseau d’appui, nous avons accompagné en 2022, 350 entreprises dans ce cadre.

Organisé par la CCI Occitanie et la Team France Export Occitanie, l’Occitanie Export Tour est une démarche collective conduite en proximité sur tout le territoire. Quel regard portez-vous sur ce jeu « en pack » à l’international et comment le rendre plus puissant encore ?

CD : Agir en pack est la meilleure solution pour relever les défis. Cela est particulièrement vrai en matière d’export. La nouvelle formule de l’Occitanie Export Tour, se rapprochant au plus près des besoins de chaque territoire est une magnifique opportunité. Agir en pack, aux côtés d’acteurs comme la CCI Occitanie et dans le cadre de la Team France Export Occitanie renforce les synergies. Les Permanences Export qui sont proposées par la Team France Export Occitanie à destination des entreprises en sont de formidables exemples. Avoir regroupé tous les acteurs du développement économique de nos territoires au sein de la Team France Export Occitanie nous permet de tirer dans le même sens. Nous devons poursuivre dans cette voie.

JFR : Le rôle de la Région est majeur dans l’orchestration des actions de tous les acteurs qui forment la Team France Export Occitanie ; on pourrait dire que la CCI Occitanie est le premier violon de cet ensemble avec des conseillers internationaux présents dans presque tous les territoires, un programme d’actions et de formation complet, qui se double de l’appui très fort de nos partenaires de Business France à l’étranger. Nous sommes donc effectivement, en poursuivant sur une métaphore rugbystique, un pilier de ce jeu en pack qui, pour servir au mieux le développement économique de notre région, doit gagner encore et toujours en fluidité, en automatismes, en créativité… Au niveau national, la TFE a permis de faire croître le nombre d’entreprises exportatrices de 125 000 en 2018 à 150 000 en 2023. Le Plan « Osez l’export ! » vise aujourd’hui les 200 000 en 2030. Ces chiffres montrent que le jeu collectif, ça marche ! La région Occitanie fait figure d’exemple à cet égard, quant à la cohésion et l’engagement des différents acteurs au service du tissu économique. Et si nous allions plus loin en multipliant les collaborations sur ces sujets et sur bien d’autres ?

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