Vous intervenez au sein du Cabinet Oliver Wyman sur les sujets de transformation digitale des entreprises et avez accueilli la douzaine de chefs d’entreprise de cette Learning Expedition à San Francisco. Que retenez-vous de vos échanges ?
Paul Ricard : Les échanges ont été très riches ! Les chefs d’entreprise qui ont participé à cette learning expedition étaient extrêmement curieux et alertes quant aux apprentissages qu’ils pouvaient transférer dans leurs start-ups en France (et hors de France pour certains).
J’ai aussi été impressionné par l’ambition des différentes start-ups (et je pense que certaines ont énormément de potentiel aux États Unis et sur d’autres marchés hors de France), ainsi que par le niveau d’expertise de nombre d’entre eux sur des sujets tels que l’intelligence artificielle ou le Web3. J’ai moi-même beaucoup appris de ces échanges !
Vous êtes originaire d’Occitanie et avez fait une partie de vos études à Toulouse. Les entreprises de notre région arrivent chaque année en force au CES, temple de l’innovation mondiale, notamment numérique. Quel regard portez-vous sur leurs atouts dans ces domaines ?
PR : Ayant quitté la France pour les États-Unis il y a plus de douze ans, il est difficile pour moi d’avoir un point de vue objectif sur cette question. Cela dit, je vois de plus en plus de start-ups Françaises s’exporter aux États Unis et ailleurs avec succès. Les « best practices » issues des États Unis semblent être bien comprises en France (un point que j’ai pu valider durant ma rencontre avec les entrepreneurs d’Occitanie), et la « French Tech » semble avoir développé un réseau d’entraide qui a aidé à propulser beaucoup d’entreprises sur la scène internationale. Ce qui semblait beaucoup moins concevable il y a 10-15 ans.
L’IA était au cœur de cette Learning Expedition au moment même où un millier d’experts de la Tech ont demandé un moratoire sur les recherches dans ce domaine. On a coutume « d’opposer » la culture US et celle de pays intégrant davantage certains critères éthiques à leur réflexion technologique. Quelles sont votre vision et votre perception de celles des chefs d’entreprise que vous avez rencontrés avec la CCI Occitanie ? Et quels sont les atouts de l’IA « à la française » ?
PR : Les entrepreneurs que j’ai rencontrés semblaient très au fait des tendances sur l’IA, et étaient curieux d’en apprendre plus. Nous en avons beaucoup discuté durant mon intervention, et je pense que les discussions avec Microsoft, Salesforce, etc. ont été enrichissantes pour eux également.
Ces jours-ci, le sujet de l’IA continue d’être au cœur de la majorité de mes conversations professionnelles, ainsi que de mes rencontres avec entrepreneurs et investisseurs dans la Silicon Valley. Les questions d’éthiques et de confidentialité sont des sujets importants que je discute avec beaucoup de clients. Le fait que les start-ups françaises aient beaucoup d’expérience avec la RGPD pourraient leur donner un avantage et leur permettre d’avancer rapidement sur les sujets de l’IA responsable. Nous verrons… Le terrain semble évoluer tous les jours !
Par-delà l’évident leadership américain sur ces sujets, pensez-vous que ce concept de Learning Expedition pourrait s’inverser et, dans ce cas, qu’est-ce qui vous apparaîtrait comme potentiellement inspirant dans notre modèle pour des chefs d’entreprise américains/californiens ?
PR : Absolument ! La France et l’Occitanie ont des avantages clairs dans nombre d’industries, et ont l’opportunité de mener la charge mondialement sur la jonction entre le Digital et ces industries. Des entrepreneurs Américains gagneraient énormément à en apprendre plus sur le sol Français. Ayant vécu à Toulouse, un exemple qui me vient immédiatement en tête est bien entendu l’aéronautique.
La facilité à entreprendre et innover en Californie est l’un des grands sujets d’étonnement des participants. L’expatrié de longue date que vous êtes le mesure-t-il encore ? Est-ce cette culture qui explique la manière dont, aux USA, les start-ups deviennent des success-stories tandis que les licornes ont plus de mal à émerger chez nous ?
PR : Les barrières culturelles aux États-Unis pour se lancer dans l’entrepreneuriat sont limitées, et le « fail fast » (ou, comme je préfère l’appeler, « learn fast ») fait clairement partie des mœurs.
En Californie, et plus particulièrement dans la Silicon Valley, toutes les conditions semblent présentes, non seulement pour aider les entrepreneurs à se lancer, mais aussi pour les encourager à voir grand. Big Tech et Small Tech cohabitent et partagent ressources, talent et « best practices ». De nombreux incubateurs et fonds de capital-risque sont là pour aider les entrepreneurs et s’assurer que leurs start-ups puissent grandir aussi vite que possible…
Oui, beaucoup de ressources et de points culturels aident les États-Unis et la Californie à être ce qu’ils sont. Cependant, je vois de plus en plus de points similaires en France, et j’espère que des échanges comme cette Learning Expedition continueront à propulser de plus en plus de licornes françaises et d’Occitanie !