L'entretien préalable à une sanction disciplinaire - Testez vos connaissances !
Pour en savoir plus sur les Sanctions disciplinaires - Procédure
Pour connaître la procédure à suivre pour prononcer une sanction disciplinaire, deux situations doivent être distinguées selon qu’il s’agit d’une sanction mineure ou non. Le licenciement décidé pour un motif disciplinaire doit par ailleurs suivre les règles du licenciement pour motif personnel.
Sanctions mineures : procédure simplifiée
Procédure légale - Lorsque la sanction est une observation écrite, un blâme sans inscription au dossier, un avertissement (voir ci-après) ou toute autre sanction non susceptible d’avoir une incidence sur la relation contractuelle, la seule formalité requise est la notification de la sanction, avec l’indication du ou des motifs de cette dernière.
Pour ce type de sanction, il n’y a pas d’obligation de notifier la sanction par lettre recommandée ou par remise en main propre contre décharge. Dans la pratique cependant, et notamment pour des raisons de preuve, l’employeur a intérêt à procéder de la sorte.
L’employeur doit, en principe, engager la procédure disciplinaire dans les 2 mois suivant le jour où il a eu connaissance de la faute du salarié.
Pas d’entretien préalable sauf exception - En principe, l’employeur n’a pas à organiser d’entretien préalable pour une sanction mineure comme un avertissement (c. trav. art. L. 1332-2). Sauf dispositions conventionnelles ou clause du règlement intérieur (voir ci-après), l'employeur n'a pas à convoquer le salarié à un entretien préalable quand bien même l'avertissement comporterait la menace, en cas de renouvellement des faits, d'une sanction susceptible d'avoir une incidence sur la présence du salarié dans l’entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération (cass soc. 19 janvier 1989, n° 85-46575, BC V n° 50 ; cass. soc. 13 novembre 1990, n° 87-42812, BC V n° 545). Dans le même sens, l’employeur peut sanctionner un salarié d’un avertissement sans entretien préalable et ultérieurement le licencier en invoquant dans la lettre de licenciement l’avertissement infligé 6 mois plus tôt (cass. soc. 18 juin 2014, n° 13-14764 D).
En revanche, un entretien préalable doit être organisé lorsque :
En l'absence d'entretien préalable, la sanction peut être annulée par les juges (cass. soc. 22 septembre 2021, n° 19-12538 FPB), ce qui peut remettre en cause le bien-fondé du licenciement prononcé postérieurement (cass. soc. 30 juin 2004, n° 02-41993, BC V n° 184).
Choix de faire passer un entretien préalable - Si l’employeur a décidé de convoquer un salarié à un entretien préalable, alors qu’il n’y est pas tenu ni par la loi ni par la convention collective, il doit respecter tous les termes de la procédure disciplinaire, quelle que soit la sanction finalement infligée. Dès lors, même si la sanction finale est un avertissement, l'employeur doit la prononcer dans le mois suivant l’entretien (cass. soc. 16 avril 2008, n° 06-41999, BC V n° 86 ; cass. soc. 9 octobre 2019, n° 18-15029 FPB).
Procédure conventionnelle - Les conventions collectives ou le règlement intérieur peuvent prévoir une procédure particulière pour ces sanctions dites « mineures », des conditions de forme ou de procédure, qui obligent l’employeur à s’y conformer. Par exemple, une convention collective peut imposer qu'un avertissement ou un blâme soit prononcé sur le rapport écrit établi par le responsable hiérarchique après un complément d'enquête associant les représentants du personnel (cass. soc. 18 janvier 2017, n° 15-24599 D). Sur la tenue d'un entretien préalable (voir ci-avant).
Autres sanctions : procédure normale
Convocation à un entretien préalable - L’employeur qui envisage de prendre une sanction ayant une incidence, immédiate ou non, sur la présence dans l’entreprise, la fonction, la carrière ou la rémunération du salarié doit convoquer ce dernier par écrit à un entretien préalable (c. trav. art. L. 1332-2).
La convocation doit indiquer l’objet, la date, l’heure et le lieu de l’entretien, et rappeler que le salarié peut se faire assister par une personne de son choix appartenant au personnel. La convocation doit être soit remise en main propre contre décharge, soit adressée au salarié par lettre recommandée (c. trav. art. R. 1332-1).
La procédure du licenciement disciplinaire obéit à des règles spécifiques, comme la possibilité, en cas d’absence de représentant du personnel, d’assistance du salarié par un conseiller extérieur à l’entreprise.
Envoi de la convocation dans un délai de deux mois - La convocation doit être envoyée dans un délai de 2 mois à compter du jour où l’employeur a eu connaissance du fait fautif. « L'employeur » s'entend non seulement du titulaire du pouvoir disciplinaire mais également du supérieur hiérarchique du salarié, même non titulaire de ce pouvoir. Le cas échéant, le délai de 2 mois court à compter du moment où le supérieur hiérarchique a eu connaissance du fait fautif (cass. soc. 18 novembre 2020, n° 19-14511 D ; cass. soc. 23 juin 2021, n° 20-13762 FSB).
En tout état de cause, le délai de 2 mois court à compter du moment où l’employeur (ou le supérieur hiérarchique) a eu une exacte connaissance de la nature et de l’ampleur des faits fautifs (cass. soc. 7 novembre 2006, n° 04-47683, BC V n° 325).
Si l’employeur est une personne morale, le délai de 2 mois court à compter du jour où le fait fautif a été porté à la connaissance d’une personne détenant un pouvoir hiérarchique sur le salarié (cass. soc. 16 septembre 2003, n° 01-42712 D).
Sur l’obligation pour l’employeur d’agir dans un délai « restreint » quand un licenciement pour faute grave est envisagé.
Nouveau délai de deux mois en cas de refus du salarié d’une première sanction - Lorsque le salarié refuse une rétrogradation disciplinaire, l’employeur qui, en substitution de cette sanction, envisage de le licencier, a 2 mois pour le convoquer à un nouvel entretien. Ce délai court à compter du refus du salarié (cass. soc. 28 avril 2011, n° 10-13979, BC V n° 98 ; cass. soc. 15 janvier 2013, n° 11-28109, BC V n° 7).
Toutefois, si l’employeur a accordé un délai au salarié pour exprimer son accord ou son refus de la sanction, au terme duquel son absence de réponse vaudrait refus, c’est à la date d'expiration de ce délai que débute le nouveau délai de 2 mois (cass. soc. 27 mai 2021, n° 19-17587 FSP).
Délai de deux mois et procédure pénale.
Déroulement de l’entretien - Les règles applicables au déroulement de l’entretien préalable à une sanction disciplinaire sont identiques à celles applicables en matière d’entretien préalable au licenciement, qu’il soit disciplinaire ou non.
Lors de l’entretien, l’employeur doit exposer au salarié les motifs de la sanction envisagée, mais il n’est pas tenu de lui communiquer les éléments de preuve qu’il détient (cass. soc. 18 février 2014, n° 12-17557, BC V n° 52).
Procédure conventionnelle - Certaines conventions collectives, ou certains règlements intérieurs, instituent, en plus de la procédure disciplinaire légale, une procédure particulière.
Sur l’incidence d’une comparution devant le conseil de discipline sur le délai de 2 mois de prescription des fautes.
Motivation et notification de la sanction - L’employeur doit motiver et notifier la sanction par écrit dans un délai de 2 jours ouvrables au minimum et de 1 mois au maximum après le jour fixé pour l’entretien (c. trav. art. L. 1332-2 et R. 1332-2) :
Dans le cas particulier où l’employeur décide de licencier un salarié après qu’il a refusé une rétrogradation, la notification de la rupture doit être faite dans le mois suivant l’entretien préalable au licenciement et non dans le mois suivant l’entretien préalable à la rétrogradation refusée (cass. soc. 27 mars 2007, n° 05-41921, BC V n° 57).
Le délai de 1 mois expire à 24 h le jour du mois suivant qui porte le même quantième que le jour fixé pour l’entretien. À défaut d’un quantième identique, le délai expire le dernier jour du mois suivant, à 24 h (c. trav. art. R. 1332-3).
Le fait que le contrat de travail soit suspendu à la suite, par exemple, d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle ou non professionnelle n’a pas d’incidence sur le délai de 1 mois, qui continue donc de s’écouler (cass. soc. 21 novembre 2007, n° 06-44993, BC V n° 196 ; cass. soc. 27 février 2013, n° 11-27130, BC V n° 58).
En revanche, la saisine d’une instance disciplinaire, par exemple instaurée par une convention collective ou un accord d’entreprise, interrompt le délai de 1 mois et le suspend pendant toute la durée de cette saisine (cass. soc. 12 novembre 2015, n° 14-18169, BC V n° 226 ; cass. soc. 18 janvier 2017, n° 15-24599 D).
Délai de notification de la sanction en cas de report de l’entretien préalable - Si le salarié sollicite le report de l’entretien et que l’employeur accède à cette demande (cass. soc. 26 mai 2004, n° 02-40681 D), il faut que l’entretien ait lieu dans le mois qui suit la date initialement fixée. Cet entretien fera ensuite courir un nouveau délai de 1 mois à l’intérieur duquel l’employeur devra notifier la sanction (cass. soc. 16 mars 2004, n° 01-43111 D ; cass. soc. 7 juin 2006, n° 04-41819, BC V n° 210). Il en est de même si l’employeur a pris l’initiative de ce report après avoir été informé de l’impossibilité pour le salarié, malade, de se présenter à l’entretien préalable (cass. soc. 7 juin 2006, n° 04-43819, BC V n° 210).
En revanche, en cas de report de l’entretien à l’initiative de l’employeur, le délai de 1 mois commence à courir à compter de la date du premier entretien et non du deuxième entretien. La sanction doit donc être prononcée dans le mois suivant le premier entretien (cass. soc. 23 janvier 2013, n° 11-22724 D ; cass. soc. 20 mai 2014, n° 12-28463 D). Le report de l'entretien résulte de l'initiative de l'employeur, et non de celle du salarié, lorsque l'employeur ne s'est pas rendu à l'entretien à l'heure fixée initialement et que le salarié n'a pas pu l'attendre au-delà de 30 minutes (cass. soc. 27 novembre 2019, n° 18-15195 D).
Abandon de la procédure initiale et notification d'une nouvelle sanction - Lorsque l'employeur abandonne une première procédure disciplinaire pour sanctionner d'autres faits dont il a eu connaissance après l'entretien préalable, il n'a pas à engager la nouvelle procédure dans un délai spécifique par rapport à la procédure abandonnée. Il doit respecter le délai de 2 mois entre la connaissance des nouveaux faits fautifs et la convocation à l’entretien préalable et le délai d'1 mois entre ce deuxième entretien et la notification de la sanction (cass. soc. 12 mars 2014, n° 12-28610 D). Mais il faut que ces faits fautifs soient réellement distincts. L'employeur, qui a renoncé à une procédure disciplinaire, ne peut relancer une nouvelle procédure plus d’1 mois après l’entretien préalable en s'appuyant sur les faits fautifs à l'origine de la première procédure (cass. soc. 26 octobre 2017, n° 15-19105 D).
Notification d’une sanction entraînant une modification du contrat - Lorsque l’employeur notifie au salarié une sanction emportant modification du contrat de travail (ex. : une rétrogradation), il doit l'informer de sa faculté d’accepter ou de refuser cette modification (cass. soc. 28 avril 2011, n° 09-70619, BC V n° 97).
Si le salarié refuse la modification de son contrat de travail, l’employeur peut prononcer une autre sanction disciplinaire, y compris un licenciement pour faute grave (cass. soc. 11 février 2009, n° 06-45897, BC V n° 41 ; cass. soc. 10 février 2021, n° 19-20918 D). S'il s'agit d'un licenciement disciplinaire, l'employeur doit organiser un nouvel entretien préalable (cass. soc. 27 mars 2007, n° 05-41921, BC V n° 57). En revanche, un nouvel entretien préalable n'est pas exigé si la sanction de substitution est autre qu’un licenciement (ex. : mise à pied disciplinaire) (cass. soc. 25 mars 2020, n° 18-11433 FSPB).
Lorsque l’employeur impose au salarié une modification de son contrat à titre disciplinaire, ce dernier peut soit exiger de revenir à son statut antérieur (cass. soc. 15 juin 2000, n° 98-43400, BC V n° 233), soit prendre acte de la rupture de son contrat de travail. Cette prise d’acte de la rupture a les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse (cass. soc. 28 avril 2011, n° 09-70619, BC V n° 97).
Source : La Revue Fiduciaire – dossier social janvier 2022 et février 2023