Skip to main navigation Skip to main navigation Aller au contenu principal Skip to breadcrumb Skip to footer
1er accélérateur des entreprises

Interview croisée entre Jean-François Rezeau et Anouk Laborie : Bourget 2025, l’Occitanie sur une orbite gagnante ?

La 55e édition Salon International de l'Aéronautique et de l'Espace, plus connu comme « Salon du Bourget », ouvrira ses portes le 16 juin. Pour un territoire comme l’Occitanie, capitale mondiale de l’aéronautique et capitale européenne du spatial, cet événement d’envergure mondiale est majeur. Anouk Laborie, nouvelle Directrice générale du Pôle de compétitivité Aerospace Valley, et Jean-François Rezeau, Président de la CCI Occitanie, croisent leur vision des enjeux et perspectives de la filière aerospace.
Anouck Laborie Jean-François Rezeau
Mardi 3 juin 2025

Dans un contexte géopolitique et économique hautement incertain qui voit se redessiner blocs, marchés et alliances stratégiques et militaires, quel regard portez-vous sur cette 55e édition du Bourget ?
Anouk Laborie : Ce Salon du Bourget permettra d’évaluer comment les tensions internationales et l’émergence d’un marché multipolaire amènent une transformation des partenariats, des offres technologiques et de la résilience de la chaîne d’approvisionnement. Nous voyons déjà les activités de Défense bénéficier d’une forte croissance et de nouvelles innovations et l’arrivée sur notre territoire d’acteurs internationaux majeurs en recherche de partenariats. À noter : l’augmentation des tarifs douaniers et un besoin renforcé de souveraineté vont continuer à mettre sous tension la chaîne d’approvisionnement (supply chain). Cette 55e édition sera une formidable opportunité pour les régions Nouvelle-Aquitaine et Occitanie de démontrer leur leadership en matière d’avancées technologiques et la résilience des membres d’Aerospace Valley du monde aéronautique et spatial. Comme l’a dit Winston Churchill, célèbre premier ministre anglais, repris par Guillaume Faury, "never waste a good crisis" ("il ne faut jamais gâcher une bonne crise").


Jean-François Rezeau : Depuis le début de l’année, le plan de vol de l’économie mondiale est littéralement parti en vrille, comme disent les pilotes, et semble échapper à tout contrôle. Pour une région très ouverte sur le monde comme l’Occitanie, qui présente la première balance commerciale des régions françaises avec un solde excédentaire de 13 Md€, cette « escadrille de points d’interrogation » brouille inévitablement le ciel. Néanmoins, la brusque redéfinition d’alliances géopolitiques, économiques, technologiques et militaires à laquelle nous assistons peut aussi s’avérer être une opportunité pour l’aéronautique et le spatial français et européen. Et l’Occitanie concentrant le tiers des effectifs du spatial européen et Toulouse étant considérée comme la capitale de l’aéronautique mondiale, notre territoire peut, en effet, avoir une carte à jouer dans ce contexte dégradé. D’autant que l’Europe constitue un pôle de stabilité qui mise sur un avenir décarboné, encourage la science et croit au progrès. Ce qui peut attirer chercheurs, investisseurs et entrepreneurs.

 

Entre 1982 et 2022, la filière aérospace a vu ses effectifs quasiment quintupler (de 17 000 à 81 000 salariés) dans l’ex-Midi-Pyrénées. Comment analysez-vous ce développement et ce rôle de traction pour l’économie de notre région ?
AL : Les 114 000 employés en Occitanie et les 40 000 employés en Nouvelle-Aquitaine démontrent le dynamisme et le leadership de la filière aérospatiale dans nos deux régions, à l’échelle mondiale. Cela est le résultat de l’histoire régionale, d’alliances stratégiques et d’avancées technologiques qui aujourd’hui peuvent paraître évidentes mais ont été de vraies innovations tout au long de ces cinquante dernières années. Il est essentiel que cette filière, championne de l’économie française, soit renforcée et soutenue dans le cadre d’une compétition internationale de plus en plus agressive. Dans le monde aéronautique par exemple, les choix industriels doivent être maîtrisés et accompagnés par l’ensemble de l’écosystème, incluant tous les acteurs de la chaîne de valeur jusqu’au monde politique. Il faut resituer l’activité aérospatiale en France dans son contexte global, représentant directement et indirectement près de 5 % du PIB et est, de plus, le premier poste dans la balance du commerce extérieur avec une estimation pour 2025 aux environs de 15 %.

 

JFR : Les dernières projections faites par l'IATA (Association internationale de transport aérien) tablent pour 2025 sur un trafic aérien mondial record de 5,2 milliards de passagers, en hausse de 6,7 % par rapport à 2024. Les experts estiment à 9 000 le nombre d’avions neufs dont aura besoin la Chine à horizon 2040 et à 2 000 pour l’Inde d’ici 20 ans. On le voit, et même si de nouveaux entrants veulent leur part du marché, la dynamique du marché aéronautique est colossale. Et le spatial n’est pas en reste avec la multiplication des constellations de satellites, le renouveau de la conquête spatiale… Cet effet de traction de l’industrie aérospatiale est mesurable : 1 emploi industriel génère 1,5 emploi indirect et 3 emplois induits. On voit l’atout formidable que cela constitue pour notre territoire. Ce développement est également une chance par l’effet d’entraînement en termes de recherches, de progrès… pour d’autres secteurs d’activité. Depuis les premiers avions à réaction du début des années 1970, la consommation de carburant par kilomètre et par passager a baissé de 80 %. Avec la mise en service des avions de dernière génération comme l’A320 neo ou l’A330 neo par exemple, elle est inférieure à 3 litres aux 100 kilomètres par passager. Les recherches sur les SAF (carburants d’aviation durables) ou les batteries, l’avion à hydrogène ou électrique… peuvent essaimer vers d’autres types de transports.

 

Terre d’envol de l’aéronautique, notre région est forte de nombreuses pépites qui, en parallèle du décalage annoncé par Airbus sur l’avion à hydrogène, avancent sur des « morceaux de solutions » pour l’aviation de demain (Aura Aero, Ascendance Flight Technologies…). Comment considérez-vous ces avancées ?
AL : L’aviation est née dans notre région et la France a été le pays le plus actif et dynamique dans le nombre d’aéronefs créés depuis 1890 (devant le Royaume-Uni, les États-Unis, l’Allemagne…). Cet état d’esprit et cette passion qui ont toujours fait partie de l’ADN de nos ingénieurs et techniciens sont un atout considérable pour l’émergence de nouveaux acteurs dans le nouveau paysage aéronautique. Les acteurs que vous citez se positionnent sur le segment des aéronefs de l’aviation légère (catégorie EASA CS-23 : moins de 20 passagers, moins de 8,6 tonnes) qui est un véritable accélérateur des nouvelles technologies pour atteindre l’objectif du « zéro émission nette » de l’aviation à l’horizon de 2050. Dès 2020, Aerospace Valley a lancé l’initiative MAELE (Mobilité AErienne Légère et Environnementalement responsable) pour accompagner ces nouveaux constructeurs émergents grâce au support inconditionnel des régions Occitanie et Nouvelle-Aquitaine. En plus d’Aura Aero et Ascendance, nous pouvons citer VoltAero et Elixir, sans oublier deux acteurs dans la propulsion électrique à hydrogène comme Beyond Aero et Blue Spirit Aero. Et aussi Daher et ses avions TBM, locomotive de l’aviation légère basée à Tarbes. Quant au développement des avions à hydrogène, il est essentiel qu’une accélération soit accompagnée pour amener à maturité : la production d’hydrogène avec minimisation de l’impact environnemental et à un prix abordable, la minimisation de la production électrique en support à la production d’hydrogène et, enfin, le développement d’infrastructures de distribution. Les technologies de production et de distribution doivent monter en maturité le plus vite possible pour rattraper les niveaux de maturité de développement de nouveaux avions.

 

JFR : Si, depuis 70 ans et le vol inaugural de la Caravelle, Toulouse s’écrit avec « deux ailes », il faut rappeler que l’écosystème aéronautique qui donne et a donné à notre territoire un ciel d’avance est régional. De Ratier-Figeac dans le Lot à Daher Aerospace dans les Hautes-Pyrénées, ou Aubert et Duval en Ariège par exemple, chaque territoire est partie prenante de ce passé prestigieux, mais aussi de cet avenir qui s’annonce radieux. Dans la même logique, ce que je trouve remarquable est que le futur de l’aéronautique s’écrit dorénavant avec d’autres filières, d’autres expertises. On le sait, l’avion du futur sera vert ou ne sera pas. Pour parvenir à cet objectif, nombreuses sont les entreprises à apporter leur contribution. D’OpenAirlines, premier éditeur mondial de solutions d'économie de carburant pour les pilotes d'avions, à Limatech, pionnier des batteries au lithium fer phosphate pour hélicoptères et avions, en passant par Genvia qui pourrait développer avec Airbus un projet d’usine pilote d’eSAF (carburant durable dérivé de l’hydrogène bas carbone) : chacun apporte ses « morceaux de solutions » pour décarboner les vols de demain et tenter d’atteindre le très ambitieux zéro émissions nettes en 2050. Concernant les avancées actuelles, il faut noter que la spécialisation des appareils va s’accentuer avec des longs courriers à réactions moins énergivores, des avions régionaux à turbopropulsion (on ne parle pas assez d’ATR dont le concept d’appareil était en avance de 40 ans), des petits avions (10 places) régionaux électriques… C’est toutes ces évolutions qu’il faut retenir et valoriser.

 

Le spatial est à la peine, a fortiori si l’on considère la dynamique actuelle de l’aéronautique. Comment analysez-vous cette situation et quel regard portez-vous sur le projet porté par le Cnes et la Région de créer un « Bourget du spatial » à Toulouse en 2026 ?
AL : Les Grands Groupes Européens ont lourdement accusé la montée en puissance de la concurrence américaine sur les lanceurs et les satellites avec une réactivité à s’adapter qui prend du temps, et des moyens bien en deçà des moyens privés et publics déployés pour le développement de SpaceX. D’autre part, l’accompagnement financier des agences est depuis des années beaucoup plus contraignant que par le passé, au regard des risques de développement sur des programmes requérant des technologies dont la maturité est encore à améliorer en début de projets. Le marché spatial a toujours été cyclique, mais c’est la crise la plus sérieuse du secteur en Europe depuis le début de l’ère spatiale. Ce contexte a généré des opportunités avec l’émergence du New Space en Europe, et des petites entreprises qui se développent rapidement, au détriment des activités des Grands Groupes. La transformation est en marche, avec le rapprochement à l’étude des branches spatiales d’Airbus, Thales et Leonardo, et la reprise des lancements Ariane 6. Nous avons en Europe toutes les compétences sur toute la chaîne de valeurs, et l’enjeu est maintenant de mieux articuler les complémentarités dans l’écosystème pour asseoir la souveraineté et la compétitivité de la filière. Aerospace Valley a bien sûr un rôle à jouer pour accompagner cette transformation dans le Grand Sud-Ouest, notamment en stimulant les collaborations entre Grands Groupes et PMEs du secteur. La région toulousaine compte environ un quart des emplois de la filière spatiale en Europe, un évènement rassemblant académiques, laboratoires de recherche et industriels à Toulouse dédié au spatial renforcera le rayonnement de la Région Occitanie. Nous nous réjouissons déjà que le spatial ait une place grandissante dans le cadre du Salon du Bourget 2025.

 

JFR : Au sortir de la crise Covid, souvenons-nous que tout le monde s’est, à juste titre, félicité de pouvoir compter sur le spatial, dont la temporalité avec des cycles plus longs, a permis à notre économie de ne pas perdre ce deuxième moteur en plein trou d’air. Seulement cinq ans après, les situations des deux filières se sont inversées avec un carnet de commandes de près de 8 700 appareils pour Airbus (avant l’édition 2025 du Bourget) et un spatial français et européen à la peine face au New Space américain. Mais aussi aux acteurs émergents qui, un peu partout dans le monde et à la façon de ce New Space, challengent notre modèle plus ou moins drastiquement. Le sujet des lanceurs résume à lui seul la manière dont l’excellence européenne, Ariane Group et Vega, n’a pas suffisamment anticipé la révolution des lanceurs réutilisables et le changement de modèle économique qui en résulte pour l’accès à l’espace. Pour se prémunir de tout « Europe bashing », il importe de comparer les situations de Boeing et d’Airbus qui confirme que l’Europe peut innover, choisir son propre cap pour, au final faire actuellement la course en tête face aux Américains. Mais revenons au spatial. Comme pour l’aéronautique, notre territoire est fort d’innombrables compétences qui permettent d’adresser les principaux enjeux du spatial de demain : militarisation de l’espace, développement des services en orbite pour prolonger la durée de vie des satellites et autres équipements, résistance aux attaques (cyber, brouillages…), saturation de l’espace et dangers liés aux déchets spatiaux… L’initiative du Président du Cnes et de Carole Delga, Président de la Région Occitanie, est une formidable opportunité pour l’écosystème spatial d’Occitanie de conforter le rôle qui est le sien au sein de la filière en Europe et dans le monde.

 

Découvrez le Pavillon Occitanie au Bourget 2025

Depuis les premiers avions à réaction, la consommation de carburant a baissé de 80 %. Avec la mise en service des avions de dernière génération comme l’A320 neo ou l’A330 neo par exemple, elle est inférieure à 3 litres aux 100 kilomètres par passager. 

Jean-François Rezeau, Président CCI Occitanie

Les technologies de production et de distribution doivent monter en maturité le plus vite possible pour rattraper les niveaux de maturité de développement de nouveaux avions.

Anouk Laborie, Directrice Générale Aerospace Valley

A lire également

Salon du Bourget 2025 : l’Occitanie affiche son leadership aéronautique et spatial

Du 16 au 22 juin, la Région Occitanie s’impose une nouvelle fois comme un acteur de premier plan au Salon International de l’Aéronautique et de l’Espace – Paris Le Bourget, rendez-vous mondial incontournable pour les professionnels du secteur. Grâce au soutien de la Région Occitanie, de l’agence Ad’OCC et à la mobilisation opérationnelle de la CCI Occitanie, plus de 40 entreprises régionales exposent sur le pavillon collectif Occitanie, véritable vitrine de l’innovation et de l’excellence industrielle du territoire.  

Rencontre avec Philippe Gandon, Président de la Compagnie Régionale des Commissaires aux Comptes de Toulouse (CRCC)

Le commissaire aux comptes (CAC) est un professionnel assermenté qui intervient dans le cadre d’une mission légale afin de vérifier la sincérité et la régularité des états financiers des sociétés, des groupements d’intérêt économique (GIE) ou des associations. Il s’assure que le patrimoine et la situation financière de l’entité sont fidèles à la réalité. Tout comme les CCI, les commissaires aux comptes sont des acteurs de premier plan de la vie des entreprises et souvent chefs d'entreprise eux-mêmes.

Jaulent Industrie, une reprise sous de bons auspices

En décembre 2023, Frédéric Thomas et Nicolas Baradon reprennent en mains le destin de Jaulent Industrie, une entreprise située près de Montauban spécialisée dans la fabrication de matériel et machines agricoles et industriels pour le maraichage, l’irrigation gaine goutte à goutte et le désherbage thermique. Les deux co-gérants ont choisi d’être accompagnés dans leur développement par la CCI Tarn-et-Garonne.
abonnement Voccitanie