Pouvez-vous vous présenter en quelques mots (origines, formation, parcours…) ?
Olivier Sarlat : Je suis né à Pau et ai 53 ans. J'ai une formation initiale en hydraulique et en mécanique des fluides que j'ai faite à Toulouse que j’ai complétée par un MBA intra entreprise à HEC. Cela fait 27 ans que je travaille dans les métiers au service de l'environnement, de la conception de stations d'épuration et de stations d'eau potable jusqu'à la réalisation en passant par l'exploitation de contrats de délégation de service public. J’ai commencé ma carrière chez Saur (Groupe Bouygues) où j’ai travaillé pendant 12 ans sur différents types de missions (construction d'usines, bureaux d'études puis exploitation de contrats). Je suis chez Veolia depuis 2010, où je suis passé par différents territoires : Guadeloupe, Corse, Toulouse et, dorénavant, Montpellier d'où je gère la région Sud qui couvre le périmètre de l'ex Languedoc-Roussillon plus l'Aveyron depuis avril 2020. Enfin, j'ai le privilège d'être le président du pôle depuis mars 2024.
Pouvez-vous, justement, nous détailler les grandes dates et grands chiffres de votre pôle ?
EG : Aqua Valley est labellisé pôle de compétitivité Eau depuis plus de 10 ans par l'État. Le pôle a trois grandes ambitions. La première est de contribuer à l’essor des TPE et PME-PMI en mettant en synergie le monde académique et le monde des entreprises pour créer de l’innovation, de l’activité économique et de l'emploi. La deuxième ambition est de mettre à disposition de nos membres des moyens pour se développer en France et à l'international. Enfin, la troisième est de favoriser la sensibilisation, l’information et la formation de toutes les parties prenantes sur les enjeux liés à l’eau.
Ces trois grandes ambitions contribuent à structurer la filière de l’eau en France. Aujourd'hui, nous avons environ 250 membres qui regroupent, pour le monde entrepreneurial, 4 000 collaborateurs qui génèrent chaque année plus d'1,5 milliards d'euros d'activité, et, pour le monde académique, plus de 1 200 chercheurs et 500 doctorants. Une de nos fiertés est que, à travers cette force de frappe au niveau de la Recherche, plus des deux tiers des publications du monde de l'eau en France sont issues de nos membres académiques. Autant dire qu’aujourd'hui, l'excellence académique dans le domaine de l’eau en France prend sa source dans les Centres de Recherche adhérents au pôle Aqua-Valley.
Depuis sa création, Aqua Valley, c'est plus de 100 projets de recherche et de développement qui ont été labellisés et financés, ce qui représente plus de 140 M€ mobilisés sur ce sujet de l’eau. Nous avons par ailleurs un comité de labellisation de projets (CLP) qui assure leur évaluation en vue de leur labellisation. Ce CLP est composé d’une trentaine d’experts. Il challenge avec bienveillance la qualité des projets proposés afin d’augmenter leur chance de succès et favoriser à terme leur commercialisation. La politique économique du pôle est l’une des moins coûteuse et des plus efficaces avec un effet de levier de 3€ d’argent privé générés pour 1€ d’argent public investi dans l’innovation.
L’Occitanie comptera parmi les territoires les plus sérieusement impactés par le problème de l’eau. Comment agit le Pôle pour accompagner au mieux les territoires sur ce sujet en intégrant les nécessités de leurs activités économiques ?
OS : Les territoires sont composés à la fois du monde agricole, du monde industriel, de l'urbanisation, du tourisme. Une des missions du pôle, c’est de faire en sorte que toutes les solutions déployées permettent, malgré l'évolution des ressources en eau, souterraines ou de surface, à chacun de continuer à se développer, à créer de la valeur au niveau des territoires et donc à éviter des conflits au niveau des usages de l’eau. Cela passe par l’anticipation.
Je vais prendre l’exemple de Barcelone. Les Barcelonais pompaient « depuis toujours » dans la nappe d'eau souterraine sous Barcelone. A force de pomper, la diminution de la pression dans la nappe d'eau potable a occasionné des intrusions d'eau salée de la Méditerranée. Ils ont alors décidé de donner une deuxième vie aux eaux usées traitées de la station d'épuration de Baix-Llobregat qui étaient alors rejetées en mer. Ils ont donc fait passer ses eaux usées traitées par un traitement membranaire complémentaire très poussé qui leur a permis de répondre à trois problèmes. Premièrement, ils ont regonflé la nappe souterraine en y réinjectant cette eau ultra-pure et, ainsi, repoussé les ions chlorure. Deuxièmement, ils ont renvoyé une partie de cette eau-là en amont de la rivière du Llobregat dans laquelle une usine de production d’eau potable pompe. Ce qui fait qu'aujourd'hui lorsque 1 litre d'eau potable est produit à Barcelone, 50 centilitres viennent de l'amont de la rivière et 50 centilitres de cette eau ultra-pure. Et troisièmement, pour que les agriculteurs arrêtent de pomper dans les nappes souterraines, ils ont mis gratuitement à disposition cette eau régénérée nécessaire à la poursuite de leur activité. Quand je félicite mes collègues espagnols, en leur demandant comment ils ont fait pour anticiper, ils me répondent qu’ils ont « pris le mur » il y a 15 ans car les décisions qui devaient être prises ne l'ont pas été. Ils se sont alors emparés du sujet en redéfinissant les objectifs des uns et des autres en matière de production et d'utilisation de l’eau.
Ce que j'essaie de faire, avec humilité et avec nos moyens, c'est d’aider les collectivités, les agriculteurs, les industriels, pour ne pas, à notre tour, « prendre le mur ». Cela passe par une approche globale et une association de tous les types d’usage pour que la dimension économique, le coût du non investissement, demeure centrale dans la réflexion.
Le réseau des CCI est activement mobilisé sur le sujet hydrique et est partie prenante de la signature récente du Manifeste "pour une gestion durable et innovante de l’eau en Occitanie ». Le Président de la CCI Occitanie souligne régulièrement la nécessité d’entretenir les réseaux. Quel regard portez-vous sur cet engagement et sur cette nécessité, trop souvent perdue de vue ?
OS : Le Président de la CCI Occitanie a totalement raison et montre à travers sa remarque qu’il connaît bien le sujet, tant dans sa dimension économique, environnementale que technique. Face aux tensions sur la ressource en eau que nous allons connaître dans les prochaines années, il est absolument impératif de réduire drastiquement, encore plus que ce qui n'est aujourd'hui, les fuites au niveau des réseaux. En France, on évalue celles-ci à 20 %. Mais j'ai connu des portions de réseau où l’on perdait 60 % ! Les nouvelles solutions mises en œuvre, comme celle de recherche de fuites par satellite développée et testée au niveau du pôle, permettent de projeter de manière beaucoup plus efficace les chaînes de fuite pour aller les trouver plus rapidement et les réparer plus vite, plus rapidement. Mais sur des canalisations qui ont un âge très avancé, en fait, on finit par mettre des « pansements » à côté des « pansements ». Il y a donc nécessité à accélérer le renouvellement des réseaux, qui est de seulement 0,6 % en moyenne en France. L’effort à consentir est conséquent parce que, non seulement il faut rattraper le retard que nous avons pris depuis des dizaines d'années, mais que, en plus, il faut aussi induire un renouvellement des canalisations qui sont un petit peu moins vieilles et qui doivent rentrer dans un rythme de croisière de renouvellement de réseau. Ça, c'est pour moi, LA priorité.
Une deuxième urgence concerne la nécessité de multiplier les interconnexions pour avoir un réseau plus maillé afin de pouvoir secourir les collectivités qui les premières vont manquer de l'eau. Chaque année depuis 3 ans, les premières communes qui manquent d'eau sont celles qui ne sont pas interconnectées avec d'autres communes. C’est deux points sont, en toute logique, préalables à la réflexion sur la diversification des ressources en eau. Le rôle du réseau des CCI d’Occitanie est indispensable en la matière compte tenu de leur statut de référent du développement économique de proximité, de leur connaissance fine des territoires, des besoins des entreprises, des différents usages… La création récente d’un poste d’ingénieur Conseil gestion de l’eau et adaptation au changement climatique au sein de la CCI Occitanie, en lien avec l’Agence de l’eau Adour-Garonne, confirme que le réseau a pris la pleine mesure du sujet.