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1er accélérateur des entreprises

Interview croisée entre Jean-François Rezeau et Vincent Aguilera : 2025, l'incertitude à son apogée ?

Record annoncé des défaillances d’entreprises (100 000), retour du chômage à un niveau inédit depuis 2014, absence totale de visibilité fiscale et administrative, recrutements en pause, tensions commerciales et géopolitiques… : 2025 s’annonce plus délicate et incertaine encore que 2024. Vincent Aguilera, Président de la CPME Occitanie, et Jean-François Rezeau, Président de la CCI Occitanie, partagent leur projection et leur analyse.
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Mardi 25 février 2025

Dans une situation politique d’extrême instabilité, les Français ne cessent de voter la confiance à l’Entreprise (82 % disent faire confiance aux TPE-PME*). Quel regard portez-vous sur ce chiffre ?

Vincent Aguilera : Plus que jamais l’entrepreneuriat est une valeur refuge ! Cette statistique résume bien l’état d’esprit des Français qui restent viscéralement attachés à nos TPE-PME créatrices de richesses et de lien social sur les territoires. 98 % du tissu économique est composé de TPE-PME, celles-ci entretiennent un rapport humain et de proximité qui favorise des relations sociales apaisées dans les entreprises. Il est temps que nos décideurs politiques nous fassent également confiance en libérant les énergies des contraintes réglementaires et fiscales qui les étouffent.

Jean-François Rezeau : Sondage après sondage, et même si les chiffres évoluent à la marge, l’enseignement est le même : les Français font confiance à l’entreprise et aux entrepreneurs. Pour comprendre toute la portée de ce chiffre, il faut le rapporter à ceux obtenus, à titre d’exemple, par l'Assemblée nationale ou encore les médias : respectivement 26 % et 32 %. Pas d’autosatisfaction ici mais une invitation à entendre ce que cela dit, de manière constante et répétée. Et, en toute logique, une invitation à reconsidérer certains choix et arbitrages faits concernant le développement économique ou ce que l’on appelle le paritarisme à la française. Tant pour le pilotage du développement économique de proximité (via le réseau des CCI) que dans les échanges structurants pour l’avenir de notre modèle social (via les syndicats patronaux), les chefs d’entreprise doivent être consultés, écoutés ET entendus.

 

Le commerce, le bâtiment et l’immobilier, l’hôtellerie-restauration et l’automobile comptent parmi les secteurs les plus en souffrance ? On pourrait y ajouter l’événementiel. Comment les accompagner spécifiquement ?

VA : Je tiens tout d’abord à préciser que ce sont des secteurs qui souffrent maintenant depuis plusieurs années suite à un enchaînement inédit de crises et contraintes non inhérentes à leur gestion. Tout dernièrement, l’instabilité gouvernementale constitue la première préoccupation pour nos entrepreneurs qui restent dans l’attente d’un cadre réglementaire indispensable à leur activité, à l’image de ma PRIME RENOV dans la rénovation énergétique. Nos organisations ont un rôle central dans l’accompagnement de nos entrepreneurs. La première démarche réside dans la prévention et l’anticipation des difficultés. Il existe pléthore de dispositifs d’accompagnement pour conseilleur au mieux nos entrepreneurs. Je peux notamment évoquer la commission GAS (Groupe d’action et de soutien) au sein de la CPME, qui vise à les conseiller et les orienter dans la conduite de leur vie entrepreneuriale. Cette commission sert de boussole car elle permet d’identifier les bons interlocuteurs. Je souhaite également mettre en avant les actions de prévention de difficultés du Tribunal de Commerce qui vise à aider les chefs d’entreprise, à détecter les difficultés financières (ou d’autre nature), et cela dès les premières tensions. Elle favorise la prise de décisions le plus en amont possible en considérant qu’il s’agit d’un acte normal de gestion de l’entreprise. Tous ces dispositifs ont un objectif un avantage commun : éviter à nos entrepreneurs de rester seuls face à leurs difficultés.


JFR : En préambule, j’indiquerai que, si notre proximité au quotidien avec les entreprises des 13 départements d’Occitanie nous donne une vision de détail, il est important de la compléter avec une vision d’ensemble de celle-ci, à date et en tendanciel. C’est la raison d’être d’OBSéco, l'Observatoire économique des CCI Occitanie. Les résultats de notre dernier Baromètre de conjoncture confirment ainsi, en les analysant, les difficultés de ces secteurs. Mais les interactions entre ces filières d’activité et l’économie dans son ensemble nous conduisent à agir globalement, même si, en tant que voix des entreprises, nous sensibilisons régulièrement les pouvoirs publics, les élus et les collectivités, les parties prenantes… aux difficultés de telles ou telles filières et à la nécessité de les soutenir en attendant le retour annoncé à une conjoncture plus dynamique. En attendant celle-ci, en propre et via nos différents mandats et autres partenariats (avec l'URSSAF ou bien l'Ordre des Experts Comptables par exemple), nous sommes mobilisés pour renforcer et simplifier la détection, la prévention et le traitement des difficultés des entreprises et sensibiliser leur(s) dirigeants(s) à la nécessité d’agir sans délai lorsque celles-ci sont identifiées. C'est le cas avec le diagnostic "Comment va ma boite" et l'ensemble des actions d'accompagnement des chefs d'entreprise en difficulté vers la mise en place de solutions correctives ou de mise en relation avec les bons interlocuteurs en fonction de la situation. Notons que notre droit des entreprises en difficulté souffre d’un triple défaut : il est trop dense, en perpétuelle évolution et peu adapté aux petites entreprises. Cette complexité est d’autant plus regrettable que les difficultés auraient bien souvent pu être évitées si le chef d’entreprise avait pu comprendre, analyser et anticiper sa situation commerciale et financière.

 

D’après la Banque des territoires, 43 % des TPE-PME ont investi en 2024 contre 55 % en moyenne entre 2001 et 2023. Ce recul vous inquiète-t-il un peu ou beaucoup ?
VA : Il s’agit bien évidemment d’une préoccupation majeure car elle traduit parfaitement l’état d’esprit actuel de nos entrepreneurs. Elle est le fruit de l’instabilité de notre gouvernance nationale. L’incertitude est le pire ennemi de la conduite des affaires économiques… Nos entrepreneurs n’ont pas le choix et ils appliquent la doctrine d’une gestion de « bon père de famille ». Pour cela, ils mettent en pause les investissements et particulièrement le recrutement dans l’attente de perspectives claires… Il s’agit d’un acte de gestion nécessaire le temps de retrouver une certaine visibilité. Nos gouvernants doivent retrouver le sens de la responsabilité en apportant des gages de stabilité à nos entrepreneurs et en proposant une politique de l’offre attractive indispensable à la création de richesse.

JFR : C’est bien sûr très inquiétant. La grande consultation des entrepreneurs OpinionWay pour CCI France-La Tribune-LCI de fin janvier révèle que seulement 13 % se disent confiants pour l’économie française contre 24 % pour l’économie mondiale, pourtant hautement incertaine, voire anxiogène. Avec un indicateur d’optimisme à 71 alors qu’il était à 102 en février 2022, le climat est donc peu favorable aux initiatives (investissements, embauches…). S’il se comprend, ce recul de l’investissement des petites entreprises est dommageable car il les pénalise en termes de compétitivité par rapport à leurs concurrents européens par exemple. En outre, il intervient dans un contexte de gestion des transitions (digital, environnementales, énergétiques…) qui suppose précisément de consacrer des moyens à cette préparation de la performance de demain. Un peu comme la dette dans le domaine des finances publiques, ce n’est pas parce que l’addition n’est pas à régler immédiatement que ce n’est pas problématique… Le match de l’économie mondiale ne s’arrête pas pendant nos « arrêts de jeu », largement dus à l’instabilité politique que connaît notre pays depuis l’été dernier.

 

Pour terminer, dans ce tableau morose, l’Insee souligne le nombre record de créations d’entreprises (1,1 million, soit +5,7 % vs 2023). Comment l’interprétez-vous ?
VA : C’est tout simple : il n’y a pas meilleur facteur d’intégration et d’émancipation que l’entrepreneuriat. Il constitue un moyen de transcender sa condition et de reprendre une liberté d’action sur son mode de vie et sa rémunération. Dans l’imaginaire collectif l’entrepreneuriat est synonyme de liberté… mais la réalité est parfois toute autre. Il est important de rappeler qu’il nécessite rigueur et résilience car nos entrepreneurs évoluent dans un environnement entrepreneurial hostile. L’aventure est certes passionnante mais elle est avant tout exigeante. Mon conseil est le suivant : il est indispensable de s’entourer et de se prémunir de toute éventualité pour se donner les moyens de réussite.


JFR : Cela renvoie au sujet de la confiance en l’entreprise abordée préalablement. Cette hausse des créations ne doit pas occulter qu’elle est largement tractée par les microentreprises (+7 %) et par les secteurs à valeur ajoutée relative (transport, entreposage…). En clair, une partie de ces créations est motivée par la nécessité de créer son propre emploi. Pour autant, l’aventure entrepreneuriale apparaît de plus en plus pour ce qu’elle est : un chemin exigeant mais gratifiant. À l’heure où, sous l’impulsion des jeunes entrants sur le marché du travail notamment, la quête de sens et le sujet des valeurs sont devenus structurants dans la relation au travail, quelle meilleure manière d’être en cohérence avec son projet personnel que de créer sa propre entreprise ? Quelles qu’en soit les raisons, ce nombre record de création est une très bonne nouvelle pour notre économie.

Faire confiance à l’Entreprise ne semble plus être une option mais LA solution. Cette confiance de nos concitoyens s’est également traduite, en 2024, par un nombre record de créations d’entreprises, que les CCI accompagnent pour les pérenniser et les développer.

Jean-François Rezeau, Président CCI Occitanie

 

 

Il est temps que nos décideurs politiques nous fassent également confiance en libérant les énergies des contraintes réglementaires et fiscales qui les étouffent

Vincent Aguilera, Président CPME Occitanie

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